Le collège de l'assemblée locale

 

Alfred Kuen explique en détail le fonctionnement de l’Église des premiers temps. Sous l’intertitre Gouvernement collégial de l’Église [1], il rappelle les faits : « « Le christianisme est né dans le contexte juif où, contrairement au monde romain ou grec, le gouvernement était organisé selon le modèle oligarchique plutôt que monarchique. Le sanhédrin était dirigé par un conseil d’anciens. La responsabilité collégiale était le modèle dominant de l’Église primitive » (Neil Summerton, 80, p. 34). (…) Au niveau de l’Église locale, le retour aux sources s’est arrêté au IIe siècle : le pasteur joue le même rôle que l’évêque du temps d’Ignace, le conseil presbytéral ressemble dans le meilleur des cas au collège des anciens de son temps. Seules les Assemblées de frères ont osé rétablir la collégialité des conducteurs de l’Église – et même là, l’égalité entre les anciens est souvent plus théorique que pratique. (Ne parle-t-on pas de « l’assemblée de M. Untel » comme on dit «  la paroisse du pasteur X » ?) » 

 

A ce sujet, Jean Baubérot commente le modèle protestant : « Tel est le sens, chez Calvin, de la « doctrine des ministères » (au nombre de quatre : pasteur, docteur, ancien, diacre). Toute hiérarchisation n’est donc pas abolie. Mais l’autorité provient de la fonction et non d’une différence de sacralité entre clercs et laïques. »[2]

 

Les assemblées locales des Témoins de Jéhovah sont effectivement dirigées par un collège d’anciens. Il s’agit d’hommes qui, pour la plupart, sont Témoins de Jéhovah depuis longtemps, certains ont même été élevés dans cette foi par leurs parents. Le collège des anciens se réunit ordinairement une fois par trimestre pour discuter de la bonne marche de l’assemblée locale. Chaque ancien possède une voix. Les décisions sont prises le plus souvent à l’unanimité des présents et après s’être reporté à la Bible et aux recommandations du Collège central sur le sujet traité. L’ordre du jour est fixé par le coordinateur du collège des anciens après consultation de chacun des membres du collège. La notion de président permanent du collège des anciens a été supprimée au cours de l’année 2008 [3].

 

Les Témoins de Jéhovah ont eu ainsi le mérite d’ « oser rétablir la collégialité des conducteurs de l’Église ». C’est un point important qui d’ailleurs est souligné par Alfred Kuen : « C’est à propos de la forme des ministères qu’Alexandre Vinet lança, au siècle dernier, son appel à rompre avec la ligne embrayée depuis le second siècle. « A la réformation, dit-il, on ne systématisa pas, on se sentait vivre, et la méthode et la forme furent laissées. Plus tard vint un moment de repos : le clergé forma dans certains lieux un ordre. Aujourd’hui, il nous faut opter ; le catholicisme nous presse ; nous devons être franchement protestants. Nous avons gardé beaucoup de lambeaux catholiques ; maintenant il nous faut décidément nous habiller à neuf (42, p.32). » « Dans la conclusion de son étude sur « les Anciens, conducteurs de l’Église », H. d’Espine affirme : « Nous n’hésitons pas à dire que la restauration du pastorat collectif, exercé par un véritable collège d’anciens, est une des premières conditions du renouveau spirituel dont nos Eglises ont besoin et qu’elle constitue, par conséquent, une des tâches les plus urgentes » (44, p.51-52). »[4]

 

Ainsi, le mode d’organisation ecclésiale des Témoins de Jéhovah,  la restauration « d’un pastorat collectif exercé par un véritable collège d’anciens » peut expliquer, au moins en partie, la vitalité de leurs congrégations.

 


[1]  A. Kuen, Ministères dans l’Église, Cahiers, série Ekklésia, St-Léger, Suisse, cahiers Emmaüs, Éditions Emmaüs, 1983, p. 96, 99.

[2]  J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, pp. 12, 13.

[3] En effet, du fait du caractère permanent de la fonction de présidence du collège presbytéral, on pouvait objecter, pour suivre la remarque d’Alfred Kuen, que « même là, l’égalité entre les anciens est souvent plus théorique que pratique. (Ne parle-t-on pas de « l’assemblée de M. Untel » comme on dit «  la paroisse du pasteur X » ?) » Aussi, les Témoins de Jéhovah ont-ils adopté une attitude conséquente et cohérente sur ce sujet. 

[4]  A. Kuen, Ministères dans l’Église, Cahiers, série Ekklésia, St-Léger, Suisse, cahiers Emmaüs, Éditions Emmaüs, 1983, pp. 99-100.

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Les Témoins de Jéhovah, mode d'organisation : Le collège de l'assemblée locale, Focus sociologique, consulté le [date].

 

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