Une étude de cas : Les Témoins de Jéhovah

Le groupe chrétien jéhovéen de type socioreligieux conversionniste/adventiste est à l’origine un mouvement prophétique. C’est un ‘réveillé’ américain qui l’a fondé dans le dernier tiers du dix-neuvième siècle. Le prophète, au sens sociologique, est « un porteur de charismes purement personnels qui, en vertu de sa mission, proclame une doctrine religieuse ou un commandement divin. »  

 

Max Weber ne fait pas de différence entre « rénovateur de religion » qui prêche à nouveau une ancienne révélation (réelle ou supposée) et un « fondateur de religion » prétendant apporter des révélations entièrement nouvelles. » Selon lui, « ces deux types peuvent d’ailleurs se superposer. » [1]

 

Ainsi, le prophète jéhovéen entre bien dans cette catégorie :

 

1) Ces adeptes lui reconnaissent un charisme personnel dans le cadre d’une mission divine. Le groupe d’étudiants de la Bible qui se réunit autour de lui le prend pour le serviteur fidèle prophétisé par Jésus lui-même (évangile selon Matthieu, chapitre 24, verset 45). Ce prophète, dont les suiveurs lui reconnaissent un charisme particulier, n’est pas un professionnel appartenant à un clergé. C’est un autodidacte de la Bible. Pour Max Weber, « l’élément décisif c’est la « vocation » personnelle. (...) Le prophète revendique son autorité en invoquant une révélation personnelle ou en se réclamant d’un charisme. Ce n’est pas par hasard si, à de rares exceptions près, un prophète ne sort pas des rangs d’un clergé. »[2]

 

2) Il proclame la venue proche (latin adventu) du Royaume de Dieu annoncé par Jésus-Christ, annonce assortie de la promesse de la vie éternelle à ceux qui l’écoutent (judéo-christianisme). Il ne prêche pas une nouvelle religion mais réactive un aspect prophétique central du christianisme primitif. C’est Jésus, le fondateur du christianisme, qui fait du thème clé de sa prédication : « Repentez-vous car le royaume des cieux est proche » - Évangile selon Matthieu, chapitre 4, verset 17 (SE). C’est lui aussi qui affirme : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». – Évangile selon Jean, chapitre 17, verset 3 (SE).

 

Après la mort de leur prophète, ceux qui étudiaient la Bible avec lui, ses auxiliaires permanents, continuent d’animer un cercle d’adeptes regroupés dans plusieurs centaines de congrégations locales principalement aux États-Unis d’Amérique, au Canada et en Angleterre.

 

  Ces groupes de bases ou ecclésias continuent de recevoir les représentants de la société biblique fondée par leur prophète et porteuse de son charisme. Une communauté permanente née dans le terreau protestant anglo-saxon voit le jour.[3] Cette première communauté de croyants devient une secte au sens sociologique, un groupe religieux minoritaire, puis une « Église », c’est-à-dire une institution de grâce qui gère les biens du salut religieux.[4] Structurée, bureaucratisée, routinisée, selon l’expression wébérienne, elle prend ensuite le nom de Témoins de Jéhovah.

 


[1] Weber M., Économie et société/ 2, L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport avec l’économie, Paris, Plon, Agora Les classiques, collection dirigée par François Laurent, 1995, Paris, éditions Pocket, 1995, p. 190.

[2] Weber M., Économie et société/ 2, L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport avec l’économie, Paris, Plon, Agora Les classiques, collection dirigée par François Laurent, 1995, Paris, éditions Pocket, 1995, p. 190.

[3] « A coté de ces auxiliaires permanents – souvent doués, eux aussi, d’une certaine qualification charismatique – qui collaborent activement à la mission du prophète, il existe un cercle d’adeptes. Ces derniers soutiennent le prophète en lui offrant argent, services ou logement et attendant leur salut de sa mission. Selon le cas, ils peuvent se grouper pour une activité occasionnelle ou être socialisés en communauté permanente ». Weber M.,Economie et société/ 2, L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport avec l’économie, Paris, Plon, Agora Les classiques, collection dirigée par François Laurent, 1995, Paris, éditions Pocket, 1995, p. 204. 

[4] « Une « Église » est précisément une institution de grâce qui gère les biens du salut religieux comme des fidéicommis et à laquelle il est (en principe !) obligatoire d’appartenir, en sorte que cette appartenance n’apporte aucunement la preuve des qualités de ses membres, alors qu’une « secte » est un groupement volontariste exclusivement composé (en principe) d’adeptes possédant une qualification religieuse et éthique, dans lequel on entre librement quand on y est librement admis en vertu d’une confirmation religieuse. » Weber M., L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, traduction inédite et présentation par Isabelle Kalinowski, Paris, Flammarion, 2000, p. 310.

 

  Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Une étude de cas : Les Témoins de Jéhovah, Focus sociologique, consulté le [date].

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