Le collège central

 

L'étude que les Témoins de Jéhovah ont fait dans les Écritures [1] les a amené à croire que, quelle que soit l’époque considérée, les membres de la « maison de Dieu », qui sont oints de l’esprit, composent collectivement « l’esclave fidèle et avisé »« l’intendant » ou « le gérant de la maison ». Individuellement, les membres de la maison de Jéhovah Dieu seraient qualifiés de « domestiques » ou de « groupe de ses gens ».[2]

 

Ils croient donc que le Christ délègue une certaine autorité aux membres de la maison de Dieu [3] Pour eux, un Collège central représentant les biens de salut du Maître fonctionnait déjà au premier siècle. Ce Collège central qui se trouvait à Jérusalem était composé des Apôtres et de certains autres Anciens. Collectivement, ces chrétiens oints de l’esprit (choisis spécialement par Dieu par le moyen de sa force agissante ou esprit saint) constituaient l’intendant, ou gérant, du maître, chargé de dispenser en temps voulu la nourriture spirituelle à chaque membre de la maison de Dieu.

 

Les membres du Collège central d’alors furent inspirés par Dieu pour écrire 5 récits historiques, 21 lettres et le livre de la Révélation ou Apocalypse, au profit de leurs frères chrétiens. Ces écrits inspirés contiendraient une nourriture spirituelle de qualité destinée aux domestiques, c’est-à-dire à chaque chrétien oint, membre de la maison de Dieu.

 

Ainsi, pour eux, collectivement, tous les chrétiens oints forment la maison de Dieu. Mais, ils estiment que de nombreuses preuves attestent que Christ a choisi parmi les membres de ce qu’ils appellent  la classe de l’esclave un petit nombre d’hommes pour former un collège central visible.

 

Le collège central au premier siècle (restitutionnisme)

Le tout premier Collège central aurait été constitué exclusivement, dès les débuts de la congrégation chrétienne, par les 12 apôtres, dont l’apôtre Matthias, remplaçant le félon Judas Iscariote. Cette « fonction de surveillance » donnait entre autres aux apôtres la responsabilité de nommer des hommes compétents à certaines fonctions et d’organiser le ministère. Mais elle impliquait davantage. Il leur fallait aussi enseigner et clarifier des points de doctrine.

 

Conformément à la promesse de Jésus rapportée dans l’évangile selon Jean (16:13), « l’esprit de vérité » allait guider la congrégation chrétienne et l’introduire progressivement dans toute la vérité. Dès le départ, ceux qui acceptaient la parole puis devenaient des chrétiens baptisés et oints étaient assidus à « l’enseignement des apôtres ». Au plus tard en 49, le collège central se serait élargi : il aurait compté non seulement les apôtres qui vivaient encore, mais aussi un certain nombre d’autres anciens de Jérusalem [4].

 

Par conséquent, la composition du collège central n’est pas fixée d’une manière rigide; Dieu dirige les événements de façon à l’adapter à la situation de son peuple. Christ, le Chef actif de la congrégation, utilise ce collège central élargi pour trancher une importante question doctrinale : il s’agit de dire si les chrétiens non Juifs doivent ou non se faire circoncire et se soumettre à la Loi de Moïse. Le collège central écrit une lettre expliquant sa décision et  promulgue des décrets afin qu’elle soit respectée [5]

 

La Réforme ne manque pas de redécouvrir cette notion d’organisation ecclésiale. « Les Ordonnances ecclésiastiques, ratifiées dès 1541, permettent au Consistoire, formé des pasteurs et de 12 anciens, d’imposer une discipline assez stricte (…). C’est dans ce contexte (…) qu’en 1533 Michel Servet, dénoncé par Calvin, est condamné à mort par le Conseil et brûlé vif pour avoir nié le dogme de la Trinité. »[6] 

 

Le collège central aujourd’hui

A l’époque moderne, le collège central devait continuer d’exister. Les Témoins de Jéhovah pensent que les membres du clergé des Églises de la chrétienté se sont disqualifiés pour cette fonction pour s’être mêlés de politique, avoir été l’instrument consentant du colonialisme et avoir encouragé le nationalisme et le patriotisme en soutenant activement les gouvernements engagés dans la Première Guerre mondiale. Le modernisme a affaibli leur foi. Nombre d’ecclésiastiques sont devenus des proies faciles pour la haute critique et l’évolution.

 

Pour les Témoins de Jéhovah, Jésus Christ  a trouvé, au début du XXe siècle, un groupe en train de donner à ses gens leur ration de vivres en temps voulu. Ce groupe fait connaître la bonne compréhension au sujet du sacrifice rédempteur de Jésus, du nom divin, de l’invisibilité de la présence du Christ et de l’importance de 1914. Il dévoile la fausseté de la Trinité, de l’immortalité de l’âme humaine et du feu de l’enfer. Il met en garde les humains contre la théorie de l’évolution et le spiritisme. Ce groupe, ce sont les chrétiens oints associés aux éditeurs du périodique La Tour de Garde de Sion et Messager de la présence de Christ, aujourd’hui intitulé La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah.

   

« En 1878, quarante ans avant 1918, année où le Seigneur vint au temple, il y avait une classe de chrétiens sincères et consacrés qui s’étaient détachés des organisations hiérarchiques et cléricales et cherchaient à exercer le christianisme (...). L’année suivante, en juillet 1879, parut (...) le périodique La Tour de Garde afin que les vérités que Dieu a prévues par Christ comme nourriture en temps utile parviennent régulièrement à tous les enfants de Dieu vraiment consacrés. »[7]

  

Les Témoins de Jéhovah expliquent ensuite comment le collège central actuel est venu à l’existence : « Cinq années plus tard [en 1884], la Zion’s Watch Tower Tract Society fut déclarée juridiquement et servit d’‘instrument’ pour donner la nourriture spirituelle aux milliers de personnes sincères qui cherchaient à connaître Dieu, [et] à comprendre sa Parole (...). Des chrétiens oints, voués et baptisés, se sont joints à cette Société, à son siège en Pennsylvanie. Qu’ils aient été membres du comité directeur ou non, ils se sont offerts pour effectuer l’œuvre spéciale de la classe de l’‘esclave fidèle et avisé’. Ils ont apporté leur aide pour nourrir et diriger la classe de l’esclave, et ainsi un collège central a fait son apparition. Cela s’est fait sans doute sous la direction de la force active et invisible de Jéhovah, son esprit saint, et de Jésus-Christ, (...) le Chef de la congrégation chrétienne. »[8]

 

Pour les Témoins de Jéhovah, le collège central occupe d’une certaine façon les fonctions que remplissait à son époque le collège apostolique. Alfred Kuen note : « Le collège des anciens a eu pour prototype le collège des apôtres ; il n’a surgi que lorsqu’il a fallu se préparer à prendre à Jérusalem leur succession et assumer dans les Églises nées de la mission la charge qu’ils avaient exercée dans l’Église-mère »(H. d’Espine, 44, p. 31). » [9]

 

Les Témoins de Jéhovah alignent leurs collèges d’anciens dans leurs assemblées locales sur le modèle qu’ils reconnaissent, leur collège central. Le lien entre les collèges d’anciens des congrégations locales et le Collège central composé d’environ une dizaine de membres est assuré par les Béthels qui envoient, pour visiter les congrégations locales, des ministres du culte itinérants appelés « surveillants de circonscription » au plan régional.

 

Tous ces ministres sont des volontaires bénévoles qui sont couverts par un régime de sécurité sociale et qui sont remboursés de leur frais de transport et d’entretien. Ils reçoivent aussi un petit pécule. Ils sont souvent mariés et, dans ce cas, sont accompagnés de leurs femmes.

  


[1]  "L'esclave fidèle" et son Collège central, La Tour de Garde, 15 mars 1990, pp. 10-14.

[2]  TMN, Matthieu 24, 45; Luc 12, 42, édition avec notes et références, note en bas de page.

[3] TMN, Matthieu 24, 45-47: « Quel est vraiment l’esclave fidèle et avisé que son maître a établi sur ses domestiques, pour leur donner leur nourriture en temps voulu? Heureux cet esclave, si son maître, en arrivant, le trouve faisant ainsi! En vérité je vous le dis: Il l’établira sur tout son avoir. »

[4]  TMN, Actes 15, 2.

[5]  TMN, Actes 15, 23-29.

[6]  J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, p. 27.

[7]  La Tour de Garde, 15 janvier 1946.

[8]  La Tour de Garde, 15 mars 1972. 

[9]  A. Kuen, Ministères dans l’Église, Cahiers, série Ekklésia, St-Léger, Suisse, cahiers Emmaüs, Éditions Emmaüs, 1983, p. 98.

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Les Témoins de Jéhovah, mode d'organisation : Le collège central, Focus sociologique, consulté le [date].

 

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