Dans la sphère familiale

 

Les Témoins de Jéhovah critiquent sévèrement dans leurs ouvrages comme dans leurs magazines religieux La Tour de Garde et surtout Réveillez-vous ! ce qu’ils voient comme un laxisme moral ambiant. Ils ont publié de très nombreux articles appuyés de résultats d’études, de sondages, de recherches effectuées par des spécialistes de la question à travers le monde, pour prouver le bien fondé de leur démarche moraliste.

 

La vie de famille, les enfants, le mariage sont sacrés[1]. Le moment de la fondation du couple est soigneusement préparé. Sa perpétuation est fêtée.  Le mariage est célébré à la salle du Royaume. Auparavant, un ancien s’est réuni avec les futurs mariés. Il s’est assuré avec eux que rien ne pouvait faire obstacle à une cérémonie religieuse.

 

Le jour du mariage, le couple est d’abord officiellement marié devant le maire [2]. Les Témoins de Jéhovah appliquent en effet le principe selon lequel il faut « rendre à César ce qui est à César » dans la mesure où les lois promulguées par l’État ne contreviennent pas à la loi suprême édictée par Dieu. Or, en France, le mariage n’existe qu’après son enregistrement dans les formes légales. En général, les mariés se rendent à la mairie avec leur famille et leurs amis proches, échangent leur consentement devant leurs témoins, signent les registres, prennent leur livret de famille. En fait, rien de différent des mariages en général.

 

Ensuite, le couple se rend à la salle du Royaume pour la cérémonie religieuse. Il semble que la congrégation considère ce moment comme une partie intégrante du son culte. Un cantique est chanté, puis une prière est prononcé. Des rappels bibliques sont faits aux jeunes mariés et à tous les assistants : le mariage est prévu par Dieu pour assurer la permanence de l’amour et du bonheur, que peut-il être fait pour assurer la stabilité du mariage, comment le mari doit-il se rendre digne de mériter un profond respect de la part de sa femme, comment un mari doit aimer tendrement son épouse, comment continuer de cultiver un profond amour dans le cadre du mariage.

 

L’ancien qui célèbre le mariage religieux peut proposer aux mariés de prononcer des vœux. « Au jeune marié : « …, acceptes-tu devant Jéhovah et devant ces témoins de prendre … pour épouse légitime, de l’aimer et de lui apporter aide et assistance conformément à la loi divine concernant les maris chrétiens telle qu’elle est exposée dans les Saintes Écritures et aussi longtemps que vous serez en vie ? » (oui). A la jeune mariée : « …, acceptes-tu devant Jéhovah et devant ces témoins de prendre … pour époux légitime, de l’aimer, de lui apporter aide et assistance et de le respecter conformément à la loi divine telle qu’elle est exposée dans les saintes Écritures et aussi longtemps que vous serez en vie ? » (oui) »[3] Les jeunes mariés peuvent aussi échanger les alliances. La cérémonie stricto sensu dure environ une demi-heure.

 

Les mariés et leur famille offrent ensuite une soirée durant laquelle on leur remet les cadeaux, on danse, on boit, on mange, mais toujours dans les limites admises ce qui n’empêche pas, semble-t-il, les présents de bien s’amuser.

 

Quand le mariage est mixte, Témoin de Jéhovah avec non-Témoin de Jéhovah, ce qui est plus rare, la cérémonie religieuse n’a généralement pas lieu à la salle du Royaume. Les Témoins de Jéhovah n’interdisent pas de telles unions mais ne les bénissent pas[4]. Ces couples mixtes ne semblent pas moins fragiles que les autres mais il est possible que cela induise un plus faible taux de pratique chez le conjoint Témoin de Jéhovah, celui-ci étant amené à faire des concessions à son mari ou à sa femme pour favoriser la stabilité de son mariage [5].

 

Beaucoup de couples fêtent leurs anniversaires de mariage. Pour les Témoins de Jéhovah, fêter ces anniversaires est une façon de réaffirmer le caractère sacré de leur union, d’honorer Dieu comme fondateur de leur famille et de rappeler leur fidélité mutuelle indéfectible [6]. C’est aussi une façon pour eux, ce qu’ils ne veulent jamais manquer de faire, de montrer l’exemple à leurs enfants.

  

En terme de sexualité, et contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre, les Témoins de Jéhovah ne sont pas radicaux. Ils croient que les relations sexuelles ont été prévues par Dieu pour la procréation mais ils admettent la notion de plaisir partagé dans le cadre sexuel et la limitation des naissances. Ils refusent seulement catégoriquement l’avortement qu’ils considèrent comme un meurtre, la vie commençant dès la fécondation. Les moyens de contraception sont laissés totalement à leur conscience. Leur vie sexuelle est du domaine de leur vie privée. Néanmoins, le collège central rappelle régulièrement la notion d’équilibre dans ce domaine et met en garde tous les fidèles contre la pornographie et le sexe débridé accessibles dans les revues, la télévision, les cassettes vidéo, le téléphone ou l’internet. 

 

Les Témoins de Jéhovah ne jouent à aucun jeu d’argent et de hasard, ils considèrent en effet que c’est une sorte de ‘vol consenti’. Ils respectent la loi en général et gardent de bons rapports avec leur entourage et leurs voisins [7].  Ils sont souvent des travailleurs appréciés pour leurs qualités de sérieux, d’honnêteté et de ponctualité [8].

 

D’une manière générale, ils privilégient une certaine qualité de vie qui les protège souvent des attitudes extrêmes qui amènent beaucoup de gens à mettre inutilement leur vie en danger. C’est pour cette raison qu’il peut paraître surprenant, alors qu’ils sont si précautionneux de leur hygiène de vie et de leur santé, de constater qu’ils refusent toujours obstinément de recevoir des soins médicaux sous forme de transfusions sanguines.

 


[1]  B. Blandre, Les Témoins de Jéhovah, Paris, Brepols ; Maredsous : Maredsous, 1991, p. 133 : « [La] conception [ des Témoins de Jéhovah ] de la cellule familiale aboutit à la consolider en atténuant les conflits (…). On ne divorce pas sauf en cas d’adultère. Ainsi est freinée la dislocation de la famille, un phénomène de notre fin de vingtième siècle dont on sait les effets dévastateurs. »   

[2]  R. Dericquebourg, Les Témoins de Jéhovah, La montée des phénomènes religieux dans les quartiers  sens, nature et réalité », Huitième rencontre Profession Banlieue, 21 novembre 1996, p. 94 : « (…) Les témoins acceptent les pratiques sociales ambiantes. Par exemple, ils désapprouvent le concubinage dans leurs rangs et doivent se marier civilement. Il s’agit là d’un compromis avec la société. On pourrait imaginer que les témoins, par hostilité envers l’État, organisent des mariages religieux et évitent de passer devant un représentant local de la République. (…) Les témoins se situent en retrait par rapport aux plus radicaux. »    

[3]  Un mariage honorable aux yeux de Dieu, plan modèle pour les discours de mariage, WTPE, 08/88, p. 2.

[4]  KU, 1 Corinthiens 7, 39 : « Un dernier mot : une femme demeure liée à son mari pour toute sa vie ; mais si le mari vient à mourir, elle est libre de se remarier avec qui elle veut, à condition, bien entendu, que ce soit avec un chrétien et qu’elle en décide dans la communion avec le Seigneur. »

[5] « La différence de religion au sein de la famille n’est pas cause de rupture. La preuve : en France, plus de 15 000 couples dans lesquels un non-Témoin de Jéhovah vit avec un Témoin de Jéhovah (Enquête sociologique nationale, septembre 1991). – Éphésiens 5 : 28-33 ; 1 Timothée 5 : 4 ; 1 Corinthiens 7 : 12,13. »  Les Témoins de Jéhovah – Ce que vous devez savoir, feuillet de quatre pages distribué sur la voie publique en avril 1996, p. 3. 

[6] « Il est évident que lorsqu’on regarde les causes de divorce pour faute, en dehors du monde des Témoins de Jéhovah, la première cause de divorce pour faute qui est invoquée est l’infidélité, cas qui ne se retrouve pas dans les hypothèses de Témoins. L’adultère, ou l’infidélité, est donc peu pratiqué chez les Témoins de Jéhovah alors qu’il reste la première cause de divorce pour les non-Témoins. » Les Témoins de Jéhovah, le Droit de la Famille, de la santé, du Service national et des Libertés Publiques, Colloque national, Centre de Formation et d’Études Judiciaires, sous le haut patronage de Monsieur Philippe Seguin, président de l’Assemblée nationale, avec le parrainage du journal Les Petites Affiches, Assemblée nationale, Actes du Colloque, vendredi 26 novembre 1993, Bibliothèque universitaire Droit-Lettres de Poitiers, référence BU DL055094 (code barre), K-7672, 3451 TEM, D.8928, b558362, 06.06.94, p. 31.

[7] B. Blandre, Les Témoins de Jéhovah, Paris, Brepols ; Maredsous : Maredsous, 1991, pp.133, 134 : « (…) Le Témoin de Jéhovah ne ruine pas sa famille en jouant aux courses ou à la loterie, ni en dépensant sa paye au cabaret. Il ne se laisse pas aller à l’ivrognerie dont on connaît les effets sur la société. (…) Il est un bon voisin, soucieux de la propreté de sa maison et de ses abords et qui ne fait jamais hurler une chaîne haute fidélité. Il ne risque pas de commettre des actes l’entraînant en prison (et du même coup dans la déchéance sociale). Pour ces raisons, le Témoin de Jéhovah risque moins que d’autres de sombrer dans le sous-prolétariat. » 

[8] idem, pp.132, 133 , 134 : « (…) Beaucoup [de Témoins de Jéhovah] ont une situation socio-professionnelle proche de celle des parents et lorsqu’on constate un changement, il se fait plus dans le sens de l’ascension que de la déchéance. (…) Le Témoin de Jéhovah modèle est un bon travailleur apprécié par son patron ; des chefs d’entreprises cherchent à recruter des Témoins de Jéhovah pour ne pas être victimes de vols de la part de leur personnel. »

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., La morale chez les Témoins de Jéhovah dans la sphère familiale, Focus sociologique, consulté le [date].

visites depuis le 06/04/2014

123.287 visites cumulées

au 29/07/2023 (Recherche, Articles, English site, Centre de formation)

 

CONTACT