Les Témoins de Jéhovah en Italie

 L’intégration sociale et l’aboutissement

à la reconnaissance religieuse

 

Les Témoins de Jéhovah italiens ont expliqué très tôt leur point de vue sur la question du refus de la transfusion sanguine. Le 21 février 1978, à la Fondation Carlo Erba de Milan se tient une conférence présidée par le professeur Carlo Sirtori sur le thème « La chirurgie, les transfusions de sang et les Témoins de Jéhovah ». Le 21 avril 1979, l’institut de médecine locale de l’université de Sienne organise une autre conférence ayant pour thème « Le refus de transfusion de sang par des adultes Témoins de Jéhovah et l’ordre constitutionnel »[1]. Le 7 juin 1979, à Ripatransone, (province d’Ascoli Piceno, en Italie centrale), un hôpital municipal organise une conférence sur le thème« Les transfusions de sang et les traitements de remplacement ».[2]

 

Les jeunes Témoins de Jéhovah objecteurs de conscience traduits devant les tribunaux après la Seconde Guerre mondiale sont condamnés à de lourdes peines et en purgent péniblement une bonne partie en prison. Certains sont condamnés jusqu’à cinq et six fois, chaque sentence ajoutant quatre années d’emprisonnement, voire plus. La raison en est que lorsqu’un jeune Témoin sort de prison, on lui demande de nouveau d’effectuer son service militaire et on le renvoie en prison chaque fois qu’il refuse d’obéir. En théorie, ces condamnations en chaîne peuvent durer jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 45 ans, âge à partir duquel on n’est plus susceptible d’être appelé. Mais en général, après quelques condamnations, les autorités militaires les exemptent pour motif de santé, afin d’éviter d’en faire des martyrs. On les classe comme « paranoïaques religieux » ou « délirants religieux ».[3]

 

À mesure qu’augmente le nombre des Témoins de Jéhovah, cette question attire continuellement l’attention du public et des autorités. Finalement, une loi est promulguée selon laquelle ceux qui ne veulent pas faire de service civil seront condamnés à une seule peine de 12 à 15 mois de prison. Entre 1978 et 1980, il y a en moyenne 500 jeunes chaque année en prison pour cette question. En décembre 1980, le ministre de la Défense annonce sur une chaîne de télévision nationale un projet de loi qui améliore la situation des Témoins de Jéhovah objecteurs de conscience. 

 

Le 20 mars 2000, la présidence du Conseil italien annonce qu’un accord reconnaissant les Témoins de Jéhovah comme une religion en Italie a été signé à Rome entre les représentants de l’État et ceux de cette religion. Il s’agit clairement d’une reconnaissance officielle pour ce groupe religieux qui occupe aujourd’hui le deuxième rang dans le pays.[4] « Cet accord va permettre à ces religions [Témoins de Jéhovah et Bouddhistes] de bénéficier d’un quota (8 pour mille) de l’impôt sur le revenu versé par les Italiens au choix à des Églises ou à des œuvres humanitaires de l’Etat. Jusqu’à présent, seules l’Église catholique, les Juifs et les Protestants bénéficiaient de cette manne. Le nouveau statut des Bouddhistes et des Témoins de Jéhovah leur donnera également le droit à une assistance spirituelle dans les hôpitaux, les prisons, les casernes, la reconnaissance de leurs rites funéraires, l’institution d’une journée de fête religieuse. (…) « C’est un pas en avant vers le pluralisme dans le domaine de la foi, enfin on tient compte d’une religion considérée comme nouvelle mais qui a plus de 100 ans », a déclaré le représentant des Témoins de Jéhovah, Sergio Rosati. »[5] 

 

Cet accord devrait être définitivement concrétisé sous la forme d’un projet de loi ratifié par le parlement italien. Mais de toute façon, cette confession est maintenant largement intégrée au paysage socio-religieux italien.

 


[1] Durant les paroles d’ouverture, le professeur Mauro Barni, directeur de l’institut de médecine légale et ex-recteur de l’université, déclare : « La question fondamentale à établir est de savoir comment nous devons considérer la conduite d’un médecin qui décide de passer outre au refus explicite d’un Témoin de Jéhovah en lui administrant une transfusion de sang. Eh bien, à l’heure actuelle, il ne fait aucun doute que cette conduite est inadmissible du point de vue éthique et qu’elle entre à coup sûr dans le cadre de l’article 610 du Code pénal, en tant que coercition violente pour passer outre à un refus exprès. » Annuaire des Témoins de  Jéhovah, 1982, p. 245.

[2] Panorama, 23 juillet 1979 : « [En tant que l’un des principaux intervenants, le docteur Cesare Buresta discute les résultats obtenus au cours de plus de 240 opérations chirurgicales réussies sans transfusions de sang]. Depuis des années, on les renvoie des hôpitaux, les médecins leur tournent le dos, on les laisse à eux-mêmes, on les trompe, on les condamne. (...) Mais, à l’heure actuelle, grâce au développement de nouvelles techniques de remplacement, même les Témoins de Jéhovah, qui constituent l’une des minorités religieuses les mieux organisées et les plus actives de l’Italie, (...) semblent toucher le terme d’un long cauchemar. (...) D’après le docteur Buresta, le recours à de telles techniques de remplacement permet de pratiquer des interventions chirurgicales sans transfusions de sang dans 99 pour cent des cas. Les résultats de ces recherches vont aboutir à des avantages considérables. »

[3] Annuaire des Témoins de Jéhovah, 1982, p. 224.

[4] L’Église catholique reste majoritaire mais les Témoins de Jéhovah italiens sont aujourd’hui plus de 458.000 (total des fidèles, militants et sympathisants, voir Annuaire des Témoins de Jéhovah 2015, assistance au Mémorial) pour une population totale en Italie de plus de 60.783.000 d’habitants. Les Témoins de Jéhovah représentent 0,75 % de la population en Italie. 

[5] Italie-religion/Reconnaissance du bouddhisme et Témoins de Jéhovah par l’État italien, Agence France Presse (AFP) International, communiqué, 20 mars 2000.

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Les Témoins de Jéhovah en Italie : L'intégration sociale et l'aboutissement à la reconnaissance religieuse, Focus sociologique, consulté le [date].

 

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