MORALE ET ENGAGEMENT CHRÉTIEN
Les Témoins de Jéhovah veulent maintenir dans leurs rangs de hauts principes de moralité qui peuvent sembler en complet décalage avec l’évolution actuelle des mœurs dans la société. Mais, pour eux, ce décalage importe peu. Quoiqu’il puisse se passer dans « le monde », cela ne doit pas entamer leur détermination à garder une morale rigoureuse [1], morale qu’ils veulent d’ailleurs transmettre à leurs enfants. En ce sens, les Témoins de Jéhovah gardent un certain élitisme.
C’est peut-être aussi ce qui attirent vers eux de nombreux déçus du catholicisme. On constate en effet que les Témoins de Jéhovah ont fait souche dans la plupart des pays à forte proportion catholique, au point qu’à l’heure actuelle à travers le monde, on parle plus portugais ou espagnol qu’anglais dans leurs congrégations. Cet aspect « austère » de la pratique de leur religion y est peut-être pour quelque chose.
Ceux des chrétiens qui ne trouvent plus au sein de leur propre Eglise ce respect rigoureux des principes bibliques en terme de moralité, en viennent à croire que les Témoins de Jéhovah tiennent la solution au renouveau du christianisme. Plutôt que d’abaisser le niveau, il leur paraît important de maintenir la barre haute. Ce respect strict de valeurs et de repères moraux attire aussi les laissés-pour-compte de la société [2].
Les Témoins de Jéhovah ne fument pas de tabac, ne prennent aucune drogue, boivent de l’alcool très modérément ou n’en boivent pas du tout, surveillent leur équilibre alimentaire, se soignent avec attention, exigent la chasteté avant le mariage et prônent une stricte fidélité conjugale. Cette rigueur morale confinant au puritanisme fait leur force et assure la cohésion du groupe. Elle favorise un haut niveau de pratique religieuse.
L’engagement des Témoins de Jéhovah dans leur religion est important. En France, comme le montre le tableau ci-dessous, 53% d’entre eux assistent régulièrement aux cultes hebdomadaires, 56 % militent, 72% sont baptisés, 80% assistent régulièrement ou occasionnellement aux réunions dans leurs Salles du Royaume.
L’engagement chrétien des Témoins de Jéhovah
Une enquête sociologique quantitative – février 2001
Une congrégation locale1 projection nationale réels2
Fidèles et sympathisants 170 100% 204 237 100%
Assistants au mémorial annuel
Fidèles 136 80% 163 390
Familles et enfants
assistants réguliers ou
occasionnels aux cultes
Baptisés 122 72% 147 050
Inscrits sur le registre des baptêmes
Militants 101 59% 120 500
Participants à l’évangélisation
réguliers ou occasionnels 95 56% 115 050
Pratiquants 90 53% 108 246
Assistants réguliers aux cultes
Sources : 1 Secrétariat d’une congrégation locale de Témoins de Jéhovah en France, comptage des fidèles inscrits sur le registre des baptêmes de la congrégation, comptage des fidèles inscrits sur la liste des Études de Livre, moyenne des fidèles ayant participé à l’évangélisation sur les 6 derniers mois, moyenne de l’assistance aux différents cultes hebdomadaires.
2 Chiffres réels, La Tour de Garde, 1er janvier 2001, p.19.
Ces taux de pratique sont très importants si on les compare avec ceux de la moyenne des Français. Alors que 53% des Témoins de Jéhovah en France sont des pratiquants réguliers, seuls 12% des Français déclarent pratiquer régulièrement leur culte. Les taux de pratique irrégulière restent cependant quasiment identiques (27% chez les Témoins de Jéhovah, 30% sur l’ensemble des Français) :
La pratique religieuse des Témoins de Jéhovah comparée à la pratique en France
Témoins de Jéhovah1 Français2
Pratiquants réguliers 53% 12%
Pratiquants irréguliers 27% 30%
Non pratiquants 20% 57%
(NSP) 1%
Sources : 1 Une enquête sociologique quantitative – février 2001
2 Sondage BVA, 24 et 25 septembre 1999, sur un panel de 1 005 Français,
in Psychologies magazine
Reste que le dynamisme des Témoins de Jéhovah est indéniable. Leur pouvoir d’attraction est fort. Et cette attirance, voire cette
fascination qu’ils suscitent, est d’autant plus renforcée par leur attachement à la cohésion de la sphère familiale. Pour eux, la famille est la base même du christianisme. C’est d’abord là qu’il
doit être mis en œuvre.
[1] J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, p.39 : « (…) Le protestantisme – et notamment le calvinisme – a voulu façonner une moralité rigoureuse où pasteur et laïques sont soumis aux mêmes exigences. Mais cette moralité même est différente : plus stricte quant à la danse et aux boissons, elle permet – en cas d’adultère – le divorce et le remariage. »
[2] Témoins de Jéhovah : le quadrillage des banlieues, Le Point, 8 février 1997, pp. 79-80 : « (…) Quand la situation devient désespérée, ceux qui ne veulent pas sombrer définitivement doivent trouver les solutions immédiates qui les aident à redresser la barre. « Les jeunes qui se convertissent sont attirés par l’exemple de ceux qui ont fait le pas avant eux, explique Saad Marachi, ils ne sont pas des intellectuels habitués à manier l’abstraction. Ils voient simplement que leurs copains convertis accèdent à une vie plus tranquille. (…) L’égalitarisme au sein de la famille des Témoins annonce ce que devra être la vie des hommes lorsque le royaume de Dieu sera réalisé. Après l’Apocalypse, tous vivront sans que la couleur de leur peau, leur fortune ou leur langue servent de prétexte à les exclure de la communauté humaine. (…) L’égalité, l’honorabilité, le sentiment d’exister, refusés par les hommes, seront rendus par Dieu à ceux qui se détournent d’un monde moribond. L’impact de ce message est de plus en plus fort aux marges de la cité. Et quelques centaines de démons sont devenus des anges. »
Référence universitaire pour citer cet article :
- Barbey Ph., La morale chez les Témoins de Jéhovah, Focus sociologique, consulté le [date].