Questions / Réponses : Origines des Témoins de Jéhovah

 

 

Marjane, le 14 juin 2012

Suite à la lecture de votre livre sur les Témoins de Jéhovah mouvement auquel je m'intéresse depuis plusieurs années, je viens de lire le livre : être protestant en France aujourd'hui écrit par Jeanne-Hélène Kaltenbach et j'y vois un passage ou elle écrit p 58 que Michel Servet était fortement influencé par l'Islam, qu'en pensez-vous ?

Cordialement

 

 

Réponse à Marjane

 

Chère Marjane, 

Jeanne-Hélène Kaltenbach, comme la plupart des protestants institutionnels, méconnaissent la branche du protestantisme qu'est le protestantisme restitutionniste, branche à laquelle appartenait très clairement le réformateur Michel Servet.

 

Ce protestantisme inscrit dans l'histoire veut restituer le christianisme tel qu'il était aux origines, c'est à dire comme il fut fondé par Jésus-Christ et les Apôtres au premier siècle de notre ère. Il s'agit, comme le dit souvent Jean Baubérot de le débarrasser de ses scories, une quête quasi utopique mais dans laquelle Michel Servet s'était engagé. La plus grosse des scories puisqu'elle touche à la nature même de Dieu, c'était à ses yeux le dogme de la Trinité enseigné comme base de la vraie foi chrétienne.

 

A la réforme, même Calvin a voulu rejeter ce dogme. Mais il a senti qu'il irait trop loin s'il voulait faire accepter sa nouvelle voie chrétienne et l'instituer. Il écrit ainsi son Institutio christianismi (L'Institution du Christianisme). Michel Servet qui ne veut pas démordre du fait que la Trinité est un enseignement de démon qui n'a rien à voir avec les enseignements de Jésus et des Apôtres, ose répondre à Calvin en rédigeant sa Restitutio christianismi (La Restitution du Christianisme). Calvin répond à son tour en le faisant brûler vif.

 

Michel Servet était un Réformateur, rejeté par ses pairs soit mais un Réformateur. Comme tel, il avait étudié très profondément les écrits bibliques et n'y avait trouvé aucune trace de la Trinité. D'ailleurs ce mot n'apparaît pas dans le Nouveau Testament et encore moins dans l'Ancien. Et pour cause. Jésus-Christ, comme les Apôtres, était Juif et donc strictement monothéiste. C'est la base même du Judaïsme : Yehwah Dieu est un seul Yehwah. Jésus prêchait le Royaume de Dieu, pas le sien. La Trinité est un ajout des conciles catholiques à commencer par celui de Nicée en 325, premier concile catholique romain présidé par l'Empereur de Rome, un païen adorateur de trinités orientales, Constantin le Grand.

 

Force est de constater que le dogme trinitaire s'est néanmoins imposé progressivement comme une croyance fondamentale du christianisme. Le catholicisme comme le protestantisme institutionnel en font la base de leur foi. Mais, dans le sillage de Michel Servet et du protestantisme restitutionniste, certains groupes chrétiens, tels que les Témoins de Jéhovah, continuent aujourd'hui d'affirmer la foi en un Dieu strictement un, Yehwah, le Dieu des Juifs, de Jésus et des Apôtres.

 

Faute d'avoir pu boycotter les écrits de Servet, les autres Réformateurs ont voulu le discréditer. Un bon moyen était de dire que Servet était musulman. Pourquoi? On sait la vive opposition entre le monde chrétien et le monde musulman à cette époque. La reconquista venait de s'achever en Espagne et le catholicisme triomphait partout en Europe jusqu'à ce qu'il soit contesté par les Réformateurs. Or, l'Islam prêche un Dieu strictement un, Allah, Le Dieu, et taxe les chrétiens d'idolâtres et de polythéistes puisqu'ils adorent trois dieux en un. Ranger Servet parmi les musulmans, c'était le condamner définitivement et le disqualifier en tant que Réformateur. Et Calvin, après avoir détruit la réputation de Michel Servet, a parachevé la destruction de Servet par le feu du bûcher.

 

Les protestants institutionnels se repentent indéfiniment d'avoir tuer Michel Servet. Mais c'est trop tard. Tuer un homme, c'est tuer un homme. Calvin, en commettant cet acte horrible et déshonorant pour le christianisme, s'est lui-même condamné, qu'on le veuille ou non. On ne peut pas réécrire l'Histoire.

 

Michel Servet, brillant médecin et Réformateur courageux, n'était pas influencé par l'Islam mais par les Évangiles qu'il étudiait avec la minutie du Savant qu'il était. Il a défendu son point de vue restitutionniste jusqu'à la mort sans jamais abjurer. Il est resté jusqu'au bout un chrétien strictement attaché à l'adoration d'un Dieu un, Yehwah (en hébreu) ou Ieova (en latin), Jéhovah (en français), le Dieu dont le nom apparaît des milliers de fois dans les pages de la Bible sous la forme du tétragramme hébreu et y compris sous cette forme dans le texte grec des Écritures.

 

Le seul amalgame que l'on peut faire entre les croyances de Servet et l'Islam, c'est effectivement l'adoration d'un Dieu strictement un mais la ressemblance s'arrête là. Servet était chrétien, authentiquement chrétien et a été un martyr du protestantisme. Son courage peut encore inspirer tous ceux qui sont prêts à souffrir pour défendre des vérités incontestables et éclairantes pour les humains.

 

Voilà, Marjane, vous pourrez trouver plus de détails dans mes écrits sur Michel Servet que vous pouvez lire dans mes livres ou en ligne. Merci de vous intéresser à mes travaux de recherches.

 

Cordialement,

Philippe B. 

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Les Témoins de Jéhovah, Michel Servet et l'Islam, Focus sociologique, consulté le [date].

 

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